La Fresque-mania : quand le serious game oublie d’être un jeu

Depuis le succès fulgurant de la Fresque du Climat, une véritable avalanche de fresques s’est abattue sur le monde de la sensibilisation. Il y en a partout. Partout. C’est bien simple : à ce rythme, il ne serait pas étonnant de voir apparaître une Fresque de la Fresque, retraçant les enjeux de toutes ces fresques.

J’ai moi-même recensé plus d’une trentaine d’entre elles, et je suis sûrement loin du compte :

  • Fresque du Climat (la pionnière, la star, l’égérie du concept)
  • 2 tonnes, Inventons Nos vies bas carbone
  • Fresque du Numérique, Bataille de la Tech, Bataille de l’IA
  • Fresque de l’Alimentation, Fresque des Déchets
  • Fresque de l’Énergie et celle de la Rénovation Énergétique
  • Fresque des Sols, des Nouveaux Récits, ou encore des Frontières Planétaires
  • Fresque de la Santé Mentale, de la Diversité, de l’Autisme, mais aussi nouvellement la fresque de la Rue
  • Fresque du Commerce Mondialisé, de l’Économie Circulaire, de la Finance
  • Fresque de la Démocratie, Fresque de l’Éco-féminisme
  • Fresque du Textile, de la Mobilité, des Océans
  • La Sylvafresque, la Fresque de la Forêt, celle de la Biodiversité

Bref, il y a une fresque pour absolument tout. L’intention derrière est noble : vulgariser, sensibiliser, éveiller les consciences. Beaucoup reprochent aux fresques leur manque d’actions à mettre en place à l’issu. On apprivoise l’enjeu, puis on réfléchit à des solutions ensemble. Mais ce travail, des spécialistes l’ont déjà fait, et ils connaissent les actions qui ont le plus d’impact. Pourquoi nous en priver ? 2 tonnes répondait à ce besoin, mais les fresques spécialisées sur un enjeu spécifique en manque cruellement.

Cependant, c’est autre chose que je reproche aux fresques. A force de fresquer à tout va, on en oublie les défauts du format d’origine, peu remis en question dû à son succès : où est la dimension de jeu ?

Il est où le jeu, il est où ?

Les fresques, c’est super. Elles permettent d’ouvrir le dialogue, de manipuler des cartes, de dessiner, de collaborer… Bref, elles cochent pas mal de cases de l’interaction ludique. Mais il manque quelque chose. Un ingrédient essentiel. Dans une fresque, il n’y a pas de réelles mécaniques de jeu. Un jeu, ce n’est pas juste aligner des cartes et suivre des consignes en discutant. Un jeu, c’est un but à atteindre ou à surpasser, de la surprise, du rebondissement, des stratégies, des décisions différentes à chaque partie. On peut y rejouer 1000 fois et vivre 1000 expériences différentes.

Or, dans une fresque, l’expérience est la même pour tout le monde. Linéaire. Directive. Scriptée. Il n’y a qu’un seul chemin à emprunter.

  • Même déroulé
  • Même temps imparti
  • Même placement de cartes, corrigés par l’animateur
  • Même logique de réflexion

Ce n’est pas un problème en soi – c’est même ce qui fait la force pédagogique du format. Mais appeler cela un serious game, c’est un peu exagéré. Parce qu’en dehors du côté “serious”, il n’y a pas grand-chose du côté “game”.

Les fresques ne sont pas des jeux. Ce sont des outils interactifs de sensibilisation.

Et attention, elles sont nécessaire pour diffuser la connaissance et provoquer une prise de conscience. Mais si vous cherchez une expérience ludique, avec des mécaniques de jeu qui en fond un expérience enthousiasmante et créative, vous risquez d’être déçu.

Un format contraint qui bride le débat

Homme partageant différentes expériences et références, incluant le vélo, camper, un livre, de la musique

Les discussions qui émergent d’une fresque sont souvent les moments les plus intéressants. On confronte nos perceptions, on se challenge, on apprend des expériences et connaissances d’autrui, on réfléchit ensemble. Sauf que…

🗣 Le débat, pourtant central, est souvent tronqué.
Trois heures, c’est en fait trop court.
📌 Le format est trop rigide.

On est pris par le temps, guidés dans une logique précise, et au final, les échanges qui pourraient être les plus riches sont écourtés.

Et au final, qu’est-ce qui reste ?

  • Une sensibilisation efficace, certes.
  • Un petit moment de créativité avec les feutres et des flèches.
  • Un souvenir de placement de cartes assez semblable à celui de votre voisin.

Mais pas de jeu. Pas de stratégie, pas de rejouabilité, pas d’éléments qui surprennent à la deuxième, troisième ou dixième session dans le jeu en lui-même, en dehors de ce que les individus qui y participent apportent.

Mais des alternatives, ça existe !

Heureusement, des formats plus ludiques commencent à émerger.

Par exemple, Éco Naissance propose des chasses au trésor, des escape games, et des expériences interactives conçues pour proposer un format adapté à tous les âges et faciliter l’interaction. Dans ces jeux :

  • On choisis des rôles, qui changent ce qu’ont apporte à l’atelier !
  • Les énigmes peuvent être faite dans n’importe quel ordre et donnent lieu à des discussions qui ne sont pas interrompues, parce que le temps de jeu – pourtant plus court – est adapté.
  • Il y a du mouvement, de la manipulation d’objets, de la recherche d’éléments, des surprises, de la déduction et parfois même de l’immersion !

Et ça, c’est du jeu.

Il y a le puzzle climat ou encore « notre tour », représentant les bases sur lesquelles notre société s’est construite avec des kaplas.

Des formats de plus en plus ambitieux et engageants sont en train de voir le jour. Par exemple, des jeux de rôle grandeur nature comme Cérémonie de l’espoir où l’on incarne des personnages confrontés aux enjeux directs des changements climatiques.

Et puis, parmis les jeux de société sur les enjeux de développement durable, on retrouve des mécaniques de coopération ou d’affrontement, où les participants doivent faire des choix impactants comme dans In Extremis, ou des jeux de gestion, mais appliqués aux enjeux écologiques et sociaux.

Il n’y a pas de recette miracle, mais plutôt mille manières de rendre la sensibilisation plus vivante. Et la fresque, ce n’est pas la meilleure !

Faut-il fresquer ou jouer ?

Les fresques ont été un tournant majeur dans la sensibilisation aux enjeux environnementaux et sociaux. Elles ont ouvert la voie, prouvé que l’interaction est essentielle pour apprendre, et créé un modèle efficace.

Mais elles ont leurs limites. Peu adaptées aux plus jeunes, et surtout, pas très fun.

  • Elles sont statiques.
  • Elles laissent peu de place à l’exploration.
  • Elles limitent les débats.
  • Elles ne permettent pas vraiment de “jouer” au sens ludique du terme.

Alors, faut-il les jeter aux oubliettes ? Absolument pas. Elles restent un outil puissant, un excellent point d’entrée pour découvrir un sujet, une porte d’entrée vers un engagement plus profond.

Mais si l’on veut que la sensibilisation soit plus impactante, plus accessible, plus immersive et plus engageante, il faut aussi savoir s’émanciper de ce format fresque.

Ça veut dire proposer des actions concrètes et qu’on nous apprenne leur impact mais aussi… remettre du jeu dans le serious game et la sensibilisation. 🎲

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